Ma grand-mère avait toujours vécu dans la maison. Elle y était depuis si longtemps qu'elle faisait partie des meubles.
Son crâne, patiné par les ans, constituait un joli et fort pratique vide-poches. Son thorax s'avérait très utile pour égoutter les assiettes, tandis que radius, humérus et cubitus servaient de supports aux étagères de l'entrée, tibias et péronés d'étendoir à linge dans la salle de bain.
Quant à son bassin et ses fémurs, ils avaient été convertis en pied de lampe, dont l'abat-jour aux cheveux blancs me fixait gravement pendant que je faisais mes devoirs, le soir, rêvant du monde extérieur en regardant par la fenêtre à travers le rideau taillé dans le reste de sa peau, quand je ne jouais pas aux osselets avec ses tarses et ses carpes.
Je n'appris que sur le tard que ce n'était censé être qu'une expression.

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